De la réincarnation... et de la tolérance entre les races.

Hexay avait subitement décidé de donner sa démission de son titre de «bras droit», la situation étant devenue intenable avec son suzerain. Leurs points de vue divergeaient en tout. L'avenir du clan, sa politique diplomatique, sa stratégie militaire, même la gestion des affaires courante ne se faisait plus sans heurts entre eux. Pourtant l'avenir aurait pu réserver quelques événements positifs : Darthmaul, chef d'un clan dénommé Gaïa, s'était annoncé prochainement pour traiter d'un éventuel rapprochement avec les membres du Ragnaroks.

Mais l'heure de la brusque démission devait être mal choisie, car tout aussi soudainement se mirent à sonner les cloches d'alerte. Il se rua, de son léger pas d'elfe, dans la salle du banquet pour y trouver ses pairs déjà en grande discussion. Glanant sans grand succès par-ci par-là quelques informations dans le brouhaha qui parlait de ciel sur la tête et de fin du monde, il finit par pousser une gueulante afin d'obtenir le silence... et une explication rationnelle.

Un messager encore haletant, auteur de l'alerte, expliqua que les légions de l'au-delà étaient en marche, et qu'elles s'en prenaient à leur bastide. Des araignées mort-vivantes... que venaient faire ces abjections aussi loin au sud ?

Un vieux (mais alors très vieux) sage du clan prit la parole, expliquant d'un ton posé l'origine de ces créatures, la colère de dieux dont elles résultaient, leur histoire...

Le Cartographe eut maintes fois envie d'exprimer un « abrège, le vieux ! » aussi irrespectueux que compréhensible vu la situation, mais il écouta avec patience jusqu'à la fin. Et celle-ci en valait la peine, car en substance ces créatures étaient immortelles, ce qui ne facilitait pas leur destruction.
Mais cette invincibilité leur provenait... d'une créature mortelle !

Bien entendu tout est relatif. Et bien que mortelle, tuer une gigantesque araignée de feu, dont chaque patte acérée pouvait trancher un arbre, douée de conscience, d'intelligence et ayant à son service une armée invulnérable qu'elle dirigeait de par son excellente maîtrise des sortilèges de mort était loin d'être une promenade de santé.

Et pour édulcorer quelque peu l'aventure du fou qui voudrait la rencontrer, celle-ci se terrait loin au nord dans une caverne jonchée de fils gluants et empoisonnés, comme autant de pièges mortels. Une armée entière n'aurait pu en venir à bout en l'attaquant de face. Mais le vieux (qui semblait retrouver un peu de vigueur en racontant ses péripéties) avait indiqué une crevasse dérobée, que pourrait emprunter un habile chasseur légèrement équipé.

Le seigneur du clan avait dans la foulée demandé qui se chargerait de cet impératif. Son second, surnommé le Cartographe Giboyeur, était tout indiqué, et il devait s'en douter. Raison pour laquelle il avait ajouté « Une personne seulement doit y aller, les autres sont requises pour la défense du palais.» Et il avait raison, car bien qu'immortelle, un grand coup de hache bien placé donnait une demi-journée de répit avant que l'une de ces créatures ne se régénère et revienne à la charge.

Il fut donc décidé à la quasi-unanimité que se serait Le Cartographe qui s'attelera à la besogne, et qu'en son absence Talaen se chargerait de ses responsabilités. Cette dernière était d'ailleurs la seule à avoir voté contre, après une vive discussion avec le chef du clan.

Cela faisait des années qu'il était dans ce clan, et pourtant il n'avait jamais prêté grande attention à elle. Il était bien trop occupé à gérer les affaires du clan et ses différends avec son supérieur...
Elle était debout à l'écart, presque invisible sous son énorme cape. c'était une elfe discrète. Le Cartograhe la voyait comme une personne timide voir agoraphobe tant il l'avait peu vu se manifester durant les conseils. C'était aussi peut-être là la raison du peu de contacts entre eux... Trop de pudeur d'un côté, trop de corvées administratives et diplomatiques du sien.

Mais quand il alla à elle pour lui passer les consignes, il fut surpris et troublé de l'entendre lui murmurer « S'il te plaît, fais attention à toi. J'ai tenté tant que j'ai pu pour éviter que te sois affecté cette tâche, mais le Seigneur en a décidé ainsi ! Tu me manques déjà.».
Puis il fut tourneboulé lorsqu'elle lui fit un baiser d'adieu.

Il en oublia presque d'emporter sa fidèle épée !

Le marchand qui lui avait vendu lui avait expliqué qu'elle possédait un puissant enchantement, qui permettait d'infliger bien plus de dégât à ses adversaires avec toutefois la fâcheuse contrepartie de drainer un peu de sa propre vie selon le cas.

Une fois équipé, il se mit en route, suivant à la lettre les indications du sage. Et le vieux bouc avait bonne mémoire, car après avoir emprunté la cavité exiguë, il se retrouva nez à nez avec l'arrière train de l'araignée.

Il s'était toujours servi de sa lame avec parcimonie et modération, ce qui lui avait valu de rester en vie jusqu'ici, mais là, l'adversaire était de nature à épouvanter un dragon. Le combat s'engagea, d'abord à l'avantage du Cartographe qui avait attaqué par surprise, mais bien vite à celui du monstre qui avait trente fois son poids, cent fois sa force et crachait de concert des fils tranchants par l'arrière et des substances toxiques par l'avant...

Seule son agilité lui avait permis de survivre aussi longtemps. Une trentaine de seconde... un record qui devait étonner l'araignée elle-même !
Le sang de ses blessures dessinait les lèvres de la belle elfe... il eut une pensée pour son au revoir. Fatale hésitation. La bête était sur lui. Mais cette pensée d'amour pour la divine créature au loin exacerba sa haine pour l'abjection si proche. Et toute sa concentration se catalysa en son épée... La puissance fut telle que la lame éclata en une nuée de morceau, perforant le monstre, mais aussi le giboyeur. Tous les sortilèges cessèrent dans l'instant autour du palais, exactement comme le vieux l'avait indiqué. La malédiction était brisée.
Le bonheur éphémère aussi.

Ne gisaient plus là que deux formes démembrées et une multitude d'éclats argentés, vestiges de l'épée maléfique...

On raconte que le fond de cette caverne est encore aujourd'hui tapissé d'une fleur couleur d'argent et de pourpre, aux propriétés bienfaisantes pour les plaies des chasseurs contus. Mais les légendes racontent tellement de choses qu'une fleur des cavernes paraît bien banale...

Quelque part dans le royaume des orcs, un cri rauque retentit. Une forme visqueuse gisait entre les jambes écartées de la gruntesse qui venait de mettre au monde son premier enfant. D'un coup de ses dents acérées, la Gruntesse trancha le cordon ombilical et dit au père, dont la mine angoissée contrastait légèrement avec la colossale musculature : « C'est un garçon ! »
Le père sourit jusqu'aux oreilles, arborant une rangée de dents encore plus pointues que celles de son épouse, et entra dans la cahute. Il saisit le petit braillard, et lui dit : « Gwym ! ».
De longues discussions avaient animé le couple Hendawyr au sujet du choix du prénom... Avaient finalement été retenus « Gwym » pour un éventuel garçon et « Melaria » s'il s'était agit d'une fille.
Le tout jeune orc s'arrêta de crier dès qu'il put sa saisir de l'un des mamelon de sa génitrice. C'était le début d'une longue période passée à trois activités essentielles : siroter, crotter, roupiller.
Mais toutes les bonnes choses ayant une fin, vint le jour où la mère décida de varier son alimentation... Viandes en tout genre, fruits, légumes, céréales, insectes, bois, cailloux et autres denrées plus ou moins comestibles furent ingurgitées sans sommations. Cette abondante pitance et une activité soutenue firent rapidement de Gwym un robuste chenapan. Il pouvait encaisser nombres de coups sans même vaciller, ce qui faisait de lui l'un des champions de bagarres, mais il préférait de loin flâner de ci de là à l'observation de plantes et d'animaux, et éventuellement à leur consommation.

Tu es Hexay? Toute une surprise.