Mais il survécut. Durant trois nuits et deux journées, il fut veillé pendant que la fièvre s'emparait de son esprit. Il délirait dans son sommeil, prononçant quantité de prénoms que je ne connaissais pas ou de noms de lieux dont j'ignorai l'existence et semblait revivre des évènements passés. Restant près de lui pendant de longues heures, je tentais maladroitement de mettre bout à bout les bribes de paroles floues qu'il prononçait; je tentais de retenir chaque mot inconnu ainsi que leur fréquence de répétition. Gaïa, Nation, Prêtre, ces mots exotiques pour moi semblaient dessiner la carte de la vie du vieillard, sans que je puisse en trouver la clé. Encore aujourd'hui, je n'arrive pas à expliquer ma curiosité de l'époque. Qu'est ce qui me fascinait tellement? Alors que les cadets de notre famille étaient retournés depuis longtemps à leurs tâches habituelles, je n'attendais qu'une chose: que le vieillard se réveille.
Au terme de sa la lente convalescence, au matin du troisième jour, le Tauren revint à lui. N'étant pas présent lors de son réveil, on m'en informa lors du retour de la chasse. Je me précipitai à la hutte où il restait allongé et à peine, le seuil franchis, l'une des infirmière s'empressa de me présenter auprès du blessé.
" Voilà votre sauveur, m'sieur Oark"
Le vieux Tauren se tourna vers moi, ses yeux gris, dont les contours ridés creusaient le regard, semblaient fatigués mais amicaux.
" Je te remercie, dit-il, cher jeune Troll. Sans toi, j'aurai déjà réintégré le grand cycle, alors que je ne peux pas partir maintenant.
- Mon sieur, répondis-je intimidé, je n'étais pas tout seul. Mes frères m'ont aidé à vous porter.
- Dans ce cas, il faudra donc que je les remercie également. Grâce aux soins de l'ancienne de votre village, je serai sur pieds dans quelques jours.
- C'était pas gagné, ajouta l'une des femmes trolles!"
Je repris la parole:
" Vous avez beaucoup parlé dans votre sommeil. La fièvre sûrement.
- Ha. De quoi ai-je parlé? Cela m'intéresse.
- De beaucoup de choses que je n'ai pas compris. Un mot revenait souvent: Gaïa
- Je ne peux rien cacher à celui qui a sauvé ma vie. Gaïa est la mère de tout, mais tout est également la mère de Gaïa. Aah... "
Oark s'arrêta brutalement de parler, en proie à une violente douleur qui crispait ses traits. Dès qu'il eut repris son souffle, il poursuivit: